Père Gérard Jean-Juste : avec reconnaissance…

Le père Gérard Jean-Juste durant une conférence nationale sur l’avenir d’Haïti tenue à Moulin Sur Mer, Montrouis (60 km. de Port-au-Prince),
le jeudi 3 Mars 2005.
plusieurs parties politiques s’étaient rassemblés pour discuter du processus électoral devant conduire aux présidentielles

(Photo de Kent Gilbert / AP).

Un communiqué de presse nous est parvenu ce matin. Il nous annonce la date et le lieu de la veillée funèbre et des obsèques de Père Gérard Jean-Juste décédé à Miami il y a exactement une semaine.

Nous ne pouvons nous empêcher de penser que, de tous les récents disparus aux noms fameux ou aux actes méritoires(1), père Jean-Juste, de par ses actions en faveur des compatriotes démunis qui arrivaient sur les côtes de la Floride il y a près d’un quart de siècle, serait de cette infime minorité qui mériterait de la gratitude du pays et dont les élus d’aujourd’hui devraient en faire l’écho.

Rappelons un peu les faits qui nous poussent à avoir une telle pensée:

A la fin des années 70, deux flots parallèles de réfugiés se déversèrent sur le sud-est des États-Unis. L’un composé de Cubains fuyant un régime communiste et l’autre formé d’Haïtiens qui risquaient leurs vies sur de frêles embarcations pour fuir un régime qui offrait trop peu à certains et la misère à la grande majorité. N’ayant pour tout bagage que leur volonté de se refaire une vie meilleure, ils furent accueillis avec animosité et traités en parias alors qu’on réservait un accueil enthousiaste presque chaleureux aux Cubains qui obtenaient immédiatement le statut de réfugiés temporaires.

Intervint alors le Père Gérard Jean-Juste qui, à travers le Centre Haïtien de Réfugiés (Haitian Refugee Center), se dépensa sans compter pour que ces compatriotes eussent un traitement juste et équitable. Par ce, il devint le champion de la cause des Haïtiens en Floride.

Le Père Jean-Juste le 2 février 2006 endossant officiellement la candidature de Réné Préval

(Photo de J. Pat Carter / AP)

Aujourd’hui encore, ces compatriotes dont certains ont questionné ses dernières options politiques, lui en gardent une ineffable reconnaissance. Peu de nos chefs politiques, de nos journalistes engagés, de nos prélats peuvent se vanter d’avoir aidé effectivement tant de compatriotes dans une situation aussi difficile où l’hostilité des uns rivalise avec l’agressivité des autres et presqu’au prix de leur vie.

Dans certains pays, la reconnaissance quand elle atteint un certain niveau collectif devient contagieuse. En Haïti où s’est développée une culture de suspicion, la reconnaissance est souvent assimilée à un acte de lâcheté(2) ou à une extrême souplesse. On préfère s’attarder sur les comportements équivoques au lieu de projeter les grandes actions de ses semblables.

C’est probablement ce qui expliquerait certains de nos déboires.

C’est peut-être la raison pour laquelle le Père Jean-Juste n’aurait droit à aucun hommage national.

J.A.

  1. Voir: Fameux Disparus: Jean-Juste, Gérard
  2. On attribue à François Duvalier cette lapidaire phrase: « La reconnaissance est une lâcheté ».