Jour des morts

Les vodouisants célèbrent des dieux de leur panthéon : le Gédé. Le Gédé, dans le panthéon vodou, demeure cette déité suprême qui règne sur toute la Guinée1, lieu de retour des âmes défuntes. Il facilite ainsi le passage sans heurts de celles-ci vers leur terre ancestrale.

Participants à un rituel vodou au cimétière de Port-au-Prince 1er November 2010
(AP: Photo de Ramon Espinosa)

Les catholiques, de leur côté, se rappellent, ce 2 novembre, des chrétiens et chrétiennes qui les ont devancés. Une tradition qui remonte au 9ème siècle quand des moines voulant christianiser la fête des morts d’origine païenne connue sous le Samhain 2, commencèrent à commémorer leurs défunts confrères et se rappeler de leur bienfaiteurs aux premiers jours de novembre. Odilon de Mercoeur (994-1048), cinquième abbé de Cluny en France proposa une formalisation de cette commémoration. Au 14è siècle, elle devint une fête officielle du calendrier de l’Église catholique romaine.

La fête des Gede fait partie de ce syncrétisme qui caractérise le vodou dès son implantation dans la colonie.

Pays catholique et du vodou, Haïti dédie le deuxième jour de novembre au souvenir des défunts. Traditionnellement, on chôme ces deux jours. Cette année, les décès se sont multipliés d’une façon extrêmement tragique avec la menace permanente d’une fatalité qui semble s’acharner sur le pays depuis le début de l’année (tremblement de terre, tornade meurtrière, épidémie de choléra dont l’origine suscite bien de controverses etc.)

Alors que le cyclone Tomas se dirigent vers Haiti,
ces habitants d’un camp de refugiés
disent qu’ils n’ont pas été avertis de l’imminence de l’ouragan
Photo prise le 1er novembre 2010
(AP: Photo de Ramon Espinosa)

Pourquoi alors dédié un jour aux morts quand la mort nous tient compagnie et quand le souvenir de nos êtres chers, décédés de façon inopinée cette année, nous hante chaque jour. Pour la majorité d’entre nous, chaque jour en fait est devenu un jour de souvenir. Qui n’a pas connu un parent, un ami, un professeur, une connaissance, devenu part de cette longue liste de victimes du séisme du 12 janvier 2010? Les habitants du département de l’Artibonite qui ont été le plus frappés par le choléra redoutent encore son étau sur les non-contaminés. Ceux des autres départements s’alarment à la seule pensée qu’un voyageur puisse en devenir un sinistre propagateur.

Une peinture murale près du cimetière de Port-au-Prince
1er November 2010(AP: Photo de Ramon Espinosa)

Nous vivons tous avec la pensée de la mort pour avoir vu de près ses méfaits quand elle a fauché sans discrimination. Nous vivons tous avec sa hantise même quand, par miracle nous l’avons échappé bel.

Le jour des morts devient aujourd’hui une occurrence quotidienne pour des millions d’Haïtiens qui ne peuvent se remettre de l’expérience du 12 janvier même quand ils s’éloignent des zones frappées. Ce n’est surtout pas l’envie d’oublier qui leur manque, c’est qu’ils ne peuvent tout simplement pas oublier.

J.A.

  1. Guinée ou Afrik ginen demeure aux yeux des vodouisants cette terre ancestrale et mythique située quelque part en Afrique ; terre de lait et de palmiers, terre de paix et où les ancêtres se la coulaient douce (Patrick Bellegarde-Smith et Claudine Michel. Haitian vodou : spirit, myth, and reality. Bloomington : Indiana University Press, c2006, pp. 87-88).
  2. Samhain: une fête celte marquant à la fête le début d’une nouvelle année et aussi la fête des morts ou plus exactement de la communication entre les vivants et les morts. Les celtes croyaient que dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre les esprits des défunts pouvaient revenir et il était du devoir des vivants de les accueillir.