MINUSTAH: Corruption et arrogance

Des soldats Brésiliens de la Minustah
Des soldats du contingent brésilien de la Minustah (2010)

Ce dimanche 5 juin, des militaires appartenant aux forces de Nations-Unies en Haïti (MINUSTAH), se sont considérés au-dessus des lois du pays. Revenant d’un séjour aux États-Unis, ils ont refusé de se soumettre à l’inspection douanière obligatoire à l’aéroport Toussaint Louverture de Port-au-Prince, et ont fait appel à leurs frères d’armes qui manu militari vinrent « interrompre le travail de vérification des douaniers, prendre [leurs] bagages et repartir avec [eux] »(1).

Imaginez le tollé que causerait les militaires Haïtiens qui agiraient de la sorte. Les sempiternels opposants y puiseraient leurs munitions pour blâmer et vilipender. Où sont-ils aujourd’hui? Ils sont devenus des observateurs prudent qui choisissent avec une extrême précaution leur bataille ne voulant pas perdre certains avantages. Il est beaucoup plus facile de questionner un arrêté présidentiel décrétant la fête de l’Ascension un jour de congé, que de s’attaquer aux puissantes forces qui nous humilient, mais détiennent le pouvoir des bourses.

La MINUSTAH a outrepassé sa mission qui est d’assurer un climat sûr et stable et d’assister le Gouvernement(2), et ce avec la complicité d’un président lui accordant mille coudées, ne voulant pas ainsi déplaire sa hiérarchie. Les infractions s’observent depuis quelques années. Ces derniers mois, elles sont devenues plus patentes avec l’arrogance indécente des responsables de la force internationale, dont Edmond Mulet, représentant spécial du secrétaire général de l’ONU et chef de la MINUSTAH.

Outragés, nous avons perçu cette arrogance dans les prestations de ce dernier lors de la dernière campagne électorale, le jour des élections du premier tour et les semaines suivantes. Agissant en proconsul, il parcourait le pays imposant ses volontés et ne lésinant pas sur les moyens. On se souvient du révoltant chantage de l’après-élection quand il menaçait de retirer les forces de l’ONU du pays si « la volonté du peuple n’est pas respecté ».

Créé par la résolution 1542 du Conseil de sécurité des Nations-Unies, le 30 avril 2004 et déployé, pour une période de six mois le 1er juin 2004, la MINUSTAH se trouve en Haïti depuis plus de sept ans. Ses défenseurs lui attribuent la pacification de certains quartiers chauds, mais à quel prix ?(3) Elle a probablement permis à René Préval de passer à l’histoire comme le seul président qui ait terminé deux termes non consécutifs passant ainsi l’écharpe présidentielle à deux successeurs élus. Toutefois, le kidnapping, ce phénomène nouveau s’est intensifié malgré la présence de ces militaires étrangers. Des bandes armées s’hibernent et se réveillent périodiquement pour semer le deuil dans les familles et menacer la sécurité des biens. Elle devint même suspecte aux yeux de la population après la mort d’un jeune compatriote à l’intérieur de l’une de leur base au Cap-Haïtien, et la population se demande perplexe combien d’autres forfaits ont pu être commis, à notre insu, sur nos compatriotes dans ces locaux. Récemment, elle a été pointée du doigt par des experts recherchant la source de l’épidémie de choléra qui terrasse la population depuis près de neuf mois.

Le nouveau président, une fois passé la malheureuse diversion de l’amendement constitutionnel et la saga de la ratification de son premier ministre, devra se pencher sérieusement sur la présence des ces militaires étrangers sur notre territoire et commencer par penser à la réanimation de notre force armée victime d’une tentative d’euthanasie politique.

Il a promis de mettre une fin aux humiliations en série que nous subissons ici, en Haïti, et ailleurs. Qu’il commence par ce premier pas.

J.A.

  1. « Incident à L’Aéroport International Toussaint Louverture. » Haiti Libre. Publié le 6 Juin 2011. [http://www.haitilibre.com/article-3109-haiti-insecurite-incident-a-l-aeroport-international-toussaint-louverture.html] Visité le 7 juin 2011.
  2. Le mandat de cette force a été revu au cours des années.
  3. Qu’on se souvienne du massacre perpétué par les casques bleu à l’aube du 6 juillet 2005 à Cité soleil.