Aux assassins de l’espoir

Texte reçu le 21 septembre 2011

Par Jean L. Théagène

Garry Conille, Premier ministre désignéLa légèreté déconcertante qu’affichent les détenteurs d’une certaine autorité dans ce jeu prométhéen d’un nouveau genre prouve une fois de plus qu’ils ne sentent même pas que l’avenir de la nation est lié à l’à propos de leurs interventions publiques. Qu’importe que le moment se prête aux jeux stupides des intérêts ou aux chassés-croisés de censeurs insensés ! Qu’importe le vrai mobile des politiciens protéiformes ! Les gangsters sanguinaires regroupés en associations mafieuses ne réalisent pas que le pays en a marre et que de nos jours, dans le ciel noir d’Haïti, le fond de l’air est rouge et les ombres de la nuit bleue se colorent.

La nécessité du choix d’un Premier Ministre à cette croisée des chemins dépend des exigences qu’il postule et aussi des conséquences qu’il entraîne. On ne choisit pas de se cogner la tête contre le mur pour prouver aux autres et à soi-même qu’on a le courage de supporter les châtiments. De même, on ne refuse pas un analgésique parce qu’on prend plaisir à un mal ou qu’on veut se faire une étiquette de stoïcien. La qualité du choix met en question l’intelligence des décideurs liée à leur liberté individuelle et à un certain degré de conscience patriotique. Il arrive souvent qu’un choix soit dicté par les exigences du moment. Alors, en pareille circonstance, il importe de faire appel à la lucidité du jugement et au sens de l’analyse inhérente à tout esprit bien balancé.

La raison d’un choix va toujours en ligne directe des intérêts qui l’engendrent. Voilà pourquoi, il est d’ailleurs d’ultime sagesse que l’on se fie aux signaux qui jalonnent le chemin, pour éviter tout faux pas dans les sinuosités de l’avenir. Notre façon de voir l’Antiquité avec un esprit nouveau nous prédispose à nous replier derrière notre faculté d’analyse pour appréhender des questions qui touchent l’ensemble de la communauté. Dans cette atmosphère de tension, il convient pour les membres de la Chambre Haute de s’élever à la hauteur de véritables Pères Conscrits en gardant leur calme pour agir dans le sens des exigences du choix imposé par l’Avenir en vue de chasser les ombres du présent. Au demeurant, il est impératif de placer assez haut le seuil de tolérance pour mieux valoriser la désignation du Dr Garry Conille, l’homme du moment.

L’optimisme et l’enthousiasme ont toujours marqué les démarches de ceux qui croient en la seule résonance de l’action dans les consciences. Mais l’action de changer ne réside pas dans l’exposé des formules car la conscience n’a aucun sens quand elle est prisonnière d’une vérité frelatée. À ce tournant de notre vie de peuple où l’Action, la Conscience et la Vérité occupent notre univers théorique, les théories qui ne prennent pas en compte la nécessité immédiate du changement ne peuvent qu’être suspectes. Les opérations qu’elles engendrent sont de nature à infléchir les fins auxquelles elles peuvent prétendre. L’essentiel n’est autre que de se fixer sur un choix au lieu de chercher à cacher la réalité derrière des assertions plutôt spécieuses ou simplificatrices. L’action, pour les Sages de la Chambre Haute, est cette démarche qui doit déboucher sur des attitudes motivantes et des pratiques réelles de la pensée conditionnant ainsi la maturité de la parole. Quel est ce poète qui disait : « Je plains toute parole qui n’enfante pas l’acte ». Certes, la parole exprime le bourdonnement de la conscience qui, elle-même, traduit les vraies dimensions de l’âme. Or, l’âme qui abandonne sa conscience à la béatitude des paroles flatteuses et sans portée pratique, ne peut que se parjurer. Dès lors, elle n’est plus porteuse de vérité lumineuse, de cette vérité qui prend sa source dans la sphère des réflexions mûries par l’expérience. Aujourd’hui, qu’elle se dresse menaçante pour corriger les erreurs du passé, nous ne pouvons que formuler le vœu qu’elle fasse le tour des consciences et qu’elle les illumine.

Jean L. Théagène
Miami, le 20 Septembre 2011