Sixième Symposium International annuel du Centre de Spiritualité et de Santé Mentale (CESSA): Université Notre-Dame d’Haïti (UNDH) : 17-19 Juin 2016

Texte reçu le 17 juin 2016

Thème :

Thérapie Communautaire Intégrée, Santé Mentale Intégrative: Vers une Collaboration Multidisciplinaire et une Intervention Multimodale

 

Chers participants

Chers intervenants,

Père Wismick Jean-CharlesJe vous souhaite la plus cordiale bienvenue à ce sixième symposium international du Centre de Spiritualité et de Santé Mentale (CESSA), de la Province Montfortaine d’Haïti, en collaboration avec l’Université Notre-Dame d’Haïti. En effet, ce symposium annuel international, qui se déroule cette année à l’hôtel Montana de Pétionville, du 17 au 19 juin 2016, réfléchit sur le thème : « Thérapie communautaire intégrée, santé mentale intégrative : Vers une collaboration multimodale ».

Ce symposium, en posant la problématique de la thérapie communautaire s’inspire du modèle écologique de Urie Bronfenbrenner (1979, 1986). Dans son sens le plus large, ce modèle  écosystémique conçoit plutôt l’environnement ou la communauté comme un ensemble de structures imbriquées les unes dans les autres. On retrouve au premier plan les milieux dans lesquels la personne évolue, l’école, la famille (microsystème), puis, les relations entre deux ou plusieurs microsystèmes (mésosystème), ensuite les influences de facteurs externes sur les systèmes entre ces systèmes (exosystème), enfin l’ensemble des croyances, des valeurs, des idéologies partagées par la communauté(macrosystème).

La thérapie communautaire part du postulat que l’environnement, les conditions psychosociales notamment la pauvreté,  la domesticité, l’abus sexuel envers les enfants, la toxicomanie, la violence, la délinquance ont une influence sur le bien-être des personnes. Aussi, plutôt que d’adopter la dichotomie habituelle entre l’individuel et le collectif, cette approche concentre- t-elle son attention sur la transaction entre la personne et l’environnement, sur l’inhérente dialectique entre les individus et leur communauté.

La prémisse sous-jacente à une telle approche est que le bien-être personnel est inextricablement lié au bien-être communautaire. Ainsi, si la communauté est traversée par les conflits, marquée par la violence et avilie par la pauvreté, par exemple, la mission du thérapeute consiste aussi à les prendre en considération. Tandis qu’il s’évertue à réhabiliter psychologiquement la personne, il doit aussi se préoccuper de la réintégrer socialement. Dès lors, il doit nécessairement prendre en compte l’identité, les attentes, les défis, les menaces et les opportunités de la communauté en question et doit s’interroger sérieusement sur les possibilités de les utiliser comme ressources en thérapie.

La variable « communauté » devient ainsi un acteur important de la dynamique thérapeutique. La thérapie est offerte à l’intérieur d’une communauté. Dans cette perspective, une approche individuelle comme la « Just Psychotherapy » (Wald, 1990) est incorrecte; celle qui prône l’apport unique de la psychologie Only Psychology (McDaniel, 2014) est inconcevable. Le client troublé, en quête de bien-être, souffrant dans son corps, son âme et son esprit est membre d’un quartier, d’une ville, d’un pays. En conséquence, le modèle traditionnel biopsychologique, mettant l’accent uniquement sur la théorie des pathologies et psychopathologies, est aujourd’hui incomplet pour rendre compte de la complexité de l’être humain en  souffrance. L’intervention psychothérapeutique, du genre d’entrevue face à face de 50 minutes se réalisant strictement à, l’intérieur d’un cabinet clinique, sans fenêtre écologique, semble, elle aussi insuffisante pour aider la personne à se remettre debout, à être productive et utile à sa communauté.

Cette vision écosystémique de la santé reconnait la complexité et l’interrelation des influences biologiques, psychologiques et environnementales. (Holahan, 1977). Une telle conception est en harmonie avec la définition de la santé telle qu’elle est établie par l’OMS (1946) et de la santé mentale telle que définie par le Comité de santé mentale du Québec (1989). La santé mentale est l’état d’équilibre psychique d’une personne et résulte d’interactions entre des facteurs biologiques, psychologiques, sociologiques et spirituels. Ces facteurs sont en évolution constante et s’intègrent de façon dynamique. Selon une telle approche, le client n’est pas seulement et exclusivement la personne en difficulté ou dont le comportement dérange mais est aussi la communauté. De ce fait, il deviendrait, par exemple, vain d’intervenir auprès d’un enfant turbulent sans analyser la dynamique de la classe et de l’école dans lesquelles il se retrouve et sans engager parents, enseignants et camarades dans le processus d’intervention.

Notre approche se fonde sur l’interrelation réciproque et dynamique du binôme personne/communauté et sur la complexité des réalités. L’expérience de nos interventions psychologiques en Haïti, révèle que nous, chercheurs et cliniciens faisons face à des situations complexes dont les éléments sont interdépendants. Ainsi, il est donc erroné de tenter de les comprendre et de les analyser séparément (Morin, 1990) ou de les aborder à partir d’un point de vue réductionniste.

Puisque les situations sont complexes et multidimensionnels, les actions doivent aussi s’inscrire dans un plan d’intervention multimodal, global, vaste, concerté, à long terme et de nature communautaire, de façon à maximiser leur efficacité. Cette approche globale exige un partenariat efficace, une collaboration étroite entre les différents acteurs du milieu communautaire et universitaire. La promotion du bien-être personnel et collectif s’incarne concrètement et se réalise efficacement dans et par la collaboration. C’est, en définitive, avec l’alliance de plusieurs disciplines, et la mise en commun de différences ressources, et sur la base d’une approche holistique, notamment psychologique, philosophique, théologique et anthropologique, qu’il sera possible de naviguer sur les rives de la connaissance dans ce domaine et de pousser plus loin les investigations.

Ce symposium sur la spiritualité et la santé mentale en Haïti est un événement collectif regroupant des collaborateurs et des  représentants des membres de l’éducation, de la religion, de la communication, de la santé, de la psychologie, etc. Il est organisé en collaboration avec des centres de traitement comme les Meadows de Arizona, des associations internationales telles que, le Global Adolescent Project de Los Angeles, des instituts de formation du Canada comme l’Institut de Formation Humaine et Intégrale de Montréal (IFHIM), des centres universitaires des Etats-Unis, comme Columbia University, Loyola University, Indiana University-Purdue University Fort Wayne, University of St Thomas, Baylor University, etc., des institutions du pays comme l’Université d’Etat d’Haïti (UEH), l’Université Publique du Nord-Ouest à Port-de-Paix (UPNOPP), l’Association pour la Prévention de l’Alcoolisme et Autres Accoutumances Chimiques (APAAC), le Centre de Spiritualité et de Santé Mentale (CESSA), et l’Université Notre-Dame d’Haïti (UNDH). Il est donc question ici de renforcer une éthique de l’entraide, de reconnaitre et de célébrer l’interdépendance entre les institutions d’une même communauté. C’est donc une initiative qui prône le respect de la diversité, qui s’oppose à l’imposition des standards, des normes uniques, et qui conçoit les différences comme des richesses.

Dans ce symposium annuel, différentes voix au niveau national et international seront entendues, des réflexions et des points de vue de diverses institutions nationales et internationales seront exposés.

En clair, cette initiative scientifique encourage l’esprit d’ouverture et promeut la collaboration.

Osons être différents !  Respectons et apprécions les différences. Célébrons l’unité dans la diversité.

Révérend Père Wismick Jean-Charles, SMM, Ph.D.
Vice-recteur aux Affaires Académiques et Scientifiques
Université Notre-Dame d’Haïti (UNDH)