12 janvier: célébrons la VIE tout en sauvant cette date de l’oubli!

Hier, mercredi 11 janvier, j’ai relu une lettre qui m’a été envoyée par une cousine deux semaines après le tremblement de terre du 12 janvier 2010. Elle me racontait alors son vécu et me faisait part de ses émotions pendant et après ces moments uniques et terrifiants. Elle s’en est sortie avec le visage tuméfié et un trou dans la tête. Elle dormait d’abord à la belle étoile avant de trouver réfuge sous une tente à la tombée de la nuit et pendant quelques jours.

Elle était vivante ce mercredi 27 janvier 2010! Elle est encore vivante aujourd’hui.

Dieu soit loué!

Un autre cousin avait pu sortir des décombres de sa maison en suivant les suggestions de ses voisins et grâce aux manœuvres des jeunes entreprenants de son quartier. Il est encore vivant!

Dieu soit loué!

Alors que je rends grâce à Dieu pour ces deux cousins, je ne peux m’empêcher de penser à tous ces amis, anciens professeurs, prélats de l’église catholique, pasteurs des cultes réformés, prêtres et prêtresses du vodou et toutes ces personnes dont les noms m’étaient très familiers même si je n’avais jamais eu l’occasion de les rencontrer. Ils n’y sont plus. Les chanceux ont eu droit à une décente sépulture. La dépouille des autres? Dispersée entre l’endroit où ils se trouvaient à 16 heures 53 ce jour-là et Titanyen¹. D’où l’importance de ce dernier qui, souhaitons-le, deviendra un lieu de pèlerinage pour ceux et celles qui veulent vraiment réfléchir sur le caractère éphémère de la vie en fixant leurs regards sur cette petite ouverture où filtre une lueur eschatologique.

En ce septième anniversaire du séisme, j’ai une pensée particulière pour tous ceux et toutes celles qui furent vivants des heures, voire des jours après les 35 fatidiques secondes et qui, épuisés après tant d’appels au secours restés sans suite, ont fini, j’imagine bien, par accepter stoïquement leur sort. Ils ont rencontré la mort, l’ont regardée en face, se sont même assis près d’elle en la priant de ne plus patienter avec eux.

En ce septième anniversaire, je pense également à ces universitaires qui ont eu la “malchance” de se trouver dans un pays dirigé par des responsables sans visions, sans projet de société et montrant, par leurs actions quotidiennes, leur insouciance pour la vie des autres.

Sept ans! Malgré les invitations à une réflexion devant conduire à une “sensibilisation sur la vulnérabilité face aux risques et désastres”², rien n’a changé. Haïti projetterait les mêmes images si une situation de cataclysme similaire à celui de janvier 2010 se répétait. Les nouvelles constructions continuent à s’élever pêle-mêle sans aucune préoccupation pour les normes parasismiques élémentaires. On les édifie parfois dans des endroits qui, en eux-mêmes, présentent un grand danger (flanc des montagnes, ravine servant de cours aux torrents).

Sept ans après, on observe la même nonchalance chez nos simples concitoyens qui semblent se résigner à leur destin de « prochaines victimes ».

En ce 12 janvier 2017, au lieu de me laisser aller à des réflexions infructueuses, en pensant à ceux qui ont péri, je CÉLÈBRE, avec ceux et celles qui sont encore vivants, quoique encore traumatisés, LA VIE. En Haiti, la vie devient ce don inestimable qui peut être subtilisée à tout moment par négligence des uns, la méchanceté des autres, surtout de ceux qui font les basses besognes du malin, et la nature dont les caprices dépassent souvent l’entendement.

J.A.

  1. Titanyen, site recevant la majeure partie des dépouilles dee ceux qui ont péri dans le tremblement de terre Il se trouve à quelques 20 kms au nord de la capitale Port-au-Prince et est accessible par voie terrestre en empruntant la nationale No. 1.
  2. Un communiqué du gouvernement provisoire de Privert-Enex en date du 6 janvier 2017 fait de la date du 12 janvier une « journée nationale de réflexion et de sensibilisation sur la vulnérabilité d’Haïti face aux risques et désastres »