Thierry Gardère! René Garcia Préval! Chapeau!

Après une longue période où les jugements étaient obscurcis par le marathon électoral et où, plus près de nous, les esprits étaient préoccupés par la préparation des bacchanales associées au carnaval et le défilé des jours gras, les Haïtiens se sont réveillés ce mercredi des cendres, et constatent avec amertume que la dure réalité du pays ne s’était point dissipée.

  • La misère est aussi tenaillante pour la grande majorité.
  • Les mœurs sont aussi dissolues, et les jeunes filles aussi vulnérables face aux prédateurs sexuels.
  • Les rues de Port-au-Prince sont encore jonchées de détritus.
  • Les politiciens sont aussi inconscients de leur rôles et responsabilités et sont tout aussi prêts à se courber devant les puissants de l’international ou à se prostituer aux plus offrants, même quand l’offre va à l’encontre des intérêts nationaux.
  • Le nouveau président qui, le 24 février, avait officiellement présenté à la nation son premier ministre désigné, n’a toujours pas la garantie que ce dernier passera l’épreuve parlementaire.

Ils étaient toutefois loin de penser que deux piliers de la société allaient tirer leur révérence de façon inopinée.

Thierry Gardère dans sa distillerie
Photo de Hector Gabino / Miami Herald

Le mercredi 1er mars, Thierry Gardère, le directeur général de la Société Barbancourt avait été emporté par une embolie pulmonaire alors que rien laissait présager ce départ. La Société Barbancourt est devenue le modèle de cette industrie haïtienne que tous nous rêvons, fabriquant des produits qui font les délices des buveurs de spiritueux raffinés et appréciés aux quatre coins du monde.

Membre de la quatrième génération des Gardère à assumer sa gestion, Thierry avait continué à porter haut le nom d’Haïti à travers les produits de sa distillerie.  Il n’avait jamais pensé à transporter ses affaires, comme d’autres le font souvent, sous des cieux jugés plus cléments et ce, malgré les aléas politiques, l’insécurité rampante et les grondements colériques de la nature. En effet, Après le séisme du 12 janvier qui a détruit ses cuves occasionnant des pertes énormes, il avait retroussé ses manches pour remettre en marche en un laps de temps sa distillerie.

Le président René Préval lors d’une visite à Cité Soleil le ce mercredi 9 août 2006
Photo AP / Archives de Haiti-Référence

Deux jours après ce départ inopiné, ce fut le tour de l’ancien président René Garcia Préval de partir comme il a vécu après chacun de ses deux mandats non consécutifs: Sans faire de bruit et sans laisser cours à de vaines spéculations.

On peut dire bien des choses sur Préval et sur ses deux présidences, mais, à moins qu’on soit imprégné d’une méchanceté visqueuse, on ne pourra jamais remettre en questions sa décence, sa simplicité et son éthique. Certains commentateurs veulent nous faire croire qu’il était devenu un incontournable. Nous dirons plutôt que son expérience des choses politiques et son approche, qui ont d’ailleurs fait sa double réussite au niveau de la présidence quand d’autres ont échoué piteusement, devenaient des valeurs rares qui attiraient ceux et celles, de son parti ou des membres de l’opposition à ses gouvernement, qui voulaient bien se mettre à son école.

Aujourd’hui, on pourrait être tenté de regretter l’absence d’une autobiographie, ou d’un traité sur le gouvernement ou la politique venant de son creuset. Les futures générations auraient été les grands bénéficiaires. Pour nous ses contemporains, observateurs privilégiés de ses démarches et actions, notre mémoire nous suffit et nous garderons un souvenir chaleureux de cet homme proche du peuple mais qui n’avait jamais embrassé le populisme démagogique.

Thierry Gardère!
René Garcia Préval!
Chapeau!

Ce pays qui se montre réticent à applaudir les compatriotes courageux, les grands travailleurs, les grands champions venant de ses entrailles et qui préfère encourager les déviants, des dévergondés hissés sur un char de carnaval, ignora souvent les émanations découlant du respect que vous lui avez porté par votre décence, votre esprit de travail, votre simplicité. L’histoire, quant à elle, se souviendra et vos noms seront glorieusement pérennisés!

J.A.