6410.040.- Profil d’Alexandre Pétion

Classification Histoire et Société

Alexandre PetionFils d’une affranchie noire et d’un colon blanc du nom de Pascal Sabés, Alexandre Pétion naquit à Port-au-Prince le 2 avril 1770. Son père qui ne pouvait admettre qu’un petit garçon au teint sombre porta le nom de ses ancêtres gaulois, refusa d’assumer ouvertement sa paternité en lui léguant son nom. Le jeune Alexandre devint toutefois son protégé par l’intermédiaire d’amis qui l’éduquèrent et le pourvurent d’une profession: Pétion fut un maître argentier.

La légende rapporte qu’il décida d’adopter le nom Pétion après que le surnom lui ait été collé par une femme du cercle de son père qui, le prenant en affection, l’appelait « mon petit », ce qui, dans un fort accent méridional, sonnait « mon p’chio ».

Très tôt, le jeune Alexandre s’intéressa aux arts militaires, ayant grandi près d’une garnison. Il s’enrôla dans la milice à l’âge de 18 ans. En 1791, alors âgé de 21 ans, il prit une part active dans la révolte des affranchis contre les colons blancs où il se distingua par son courage, sa bravoure et son sens d’humanité. En maintes occasions, il n’hésita pas à s’opposer à ses frères d’armes pour protéger un prisonnier colon.

Durant la guerre civile, opposant André Rigaud à Toussaint Louverture, il se rangea du côté de celui-là et assuma le commandement de Jacmel qu’il défendit avec audace avant que la ville ne succombât sous les assauts répétés des troupes commandées alors par Jean-Jacques Dessalines. Toussaint ayant remporté la victoire, Pétion s’exila en France.

Lorsque Bonaparte prit la décision d’envoyer à Saint Domingue une force expéditionnaire sous la commande de son beau-frère Leclerc, Pétion, comme bon nombre de mulâtres résidant alors en France et qui avaient fait acte d’allégeance à Rigaud durant la guerre civile, se porta volontaire. On prétend que ces derniers ignoraient le vrai motif de Bonaparte qui voulait rétablir l’esclavage dans la colonie, une fois les chefs rebelles annihilés à travers une politique de déportations indiscriminées et des exécutions de masse. Une fois le plan révélé, ils comprirent alors la fragilité de leur situation, d’où un sursaut tendant à éviter un futur sous caution.

Pétion, à qui Leclerc avait assigné le commandement d’une garnison au Haut du Cap, rencontra secrètement Dessalines et, quelques jours après, reconnut l’autorité de ce dernier, un geste suivi par d’autres mulâtres, notamment ceux de l’Ouest. Cette union donna aux activités insurrectionnelles des chefs noirs une allure de déclaration de guerre contre les Français. La conférence de l’Arcahaie, en mai 1803, scella officiellement l’union et pourvoit l’armée indigène d’un étendard.

Après plusieurs batailles durant lesquelles les anciens esclaves et leurs alliés mulâtres démontrèrent une bravoure et un audace militaire qui surprit même leurs ennemis, l’armée française fut défaite et capitula au début de décembre 1803. Saint-Domingue, jusque-là, une colonie française que Bonaparte voulait à tout prix sauvegarder, fut déclaré indépendant et rebaptisé « Hayti » durant une solennelle cérémonie tenue sur la place d’armes des Gonaïves, le premier janvier 1804.

Le nouvel état devint vite une aberration dans un monde colonialiste et une civilisation promouvant ouvertement et sans pudeur le racisme et l’inégalité. Les puissances coloniales et esclavagistes de l’époque se démenèrent pour créer des conditions difficiles à l’intérieur de la jeune nation. Tous les moyens étaient bons: embargo, chantage sur les nations disposées à établir des relations commerciales avec le nouvel état, dénigrement ontologique.

A ces conditions, il faut également ajouter le manque de préparation politique des futurs chefs et de la nouvelle élite qui, de la lutte pour leur propre survie et la reconnaissance de leur humanité, se retrouvèrent avec la mission de gouverner et de satisfaire les desiderata de leurs congénères avec très peu de ressources (la florissante colonie ayant été dévastée par plus de dix ans de luttes et de destruction).

Au premier chef d’état, Dessalines, qui reçut le titre de gouverneur général à vie le soir de la proclamation de l’indépendance, et ensuite celui d’empereur, revint cette lourde responsabilité. Marqué par les affres du système esclavagiste, il voulut non seulement déraciner les structures et symboles de ce système, mais aussi et surtout détruire ses représentants qui pensaient faire de la nouvelle Haiti, leur pays de résidence et d’adoption. En se faisant, Dessalines multiplia le nombre de ses ennemis qui lui reprochèrent également sa tentative de réforme agraire au profit de ceux « dont les pères sont en Afrique ». Il succomba sous les balles assassines, victime d’un complot, le 17 octobre 1806. Plusieurs historiens s’accordent pour dire que Pétion furent l’un des instigateurs du complot.

Les deux personnages appelés à succéder à l’empereur, Henri Christophe et Alexandre Pétion, n’ayant pas pu s’entendre pour des raisons politiques, idéologiques et personnelles (une certaine méfiance s’installait entre eux), une scission du territoire s’ensuivit.

Christophe se retira dans le Nord et fonda une monarchie. Pétion, dans l’Ouest et le Sud institua un régime républicain avec, en principe, la séparation des pouvoirs. De cette république, il en devint le premier président en mars 1807 et fut deux fois réélu (en mars 1811 et en mars 1815). En 1816, la Constitution de 1806 fut remaniée et, tout en réaffirmant le principe de la séparation des pouvoirs, fit de Pétion un président à vie, avec le droit de nommer son successeur.

Trois grandes actions dominèrent le gouvernement de Pétion, à côté de ses relations tendues avec Christophe, son ennemi dans le Nord, et Rigaud, son rival établi dans le Sud et les premières négociations avec la France pour la reconnaissance de l’indépendance.

Tout d’abord une distribution de terre aux sous-officiers et soldats de l’armée de l’indépendance, créant ainsi une société rurale basée sur la propriété familiale minifundiste. Pétion, tout comme Christophe accorda une certaine attention à l’éducation systématique. Il créa le premier lycée de garçons à Port-au-Prince et un école secondaire pour les jeunes filles.

La troisième grande action de son gouvernement fut l’encouragement donné à Simon Bolivar et l’aide qu’il lui accorda pour l’émancipation de l’Amérique latine, ce qui fit de lui un héros parmi les nations de l’Amérique latine.

Les témoignages de ses contemporains le dépeignent comme un homme discret, introverti et d’une indulgence excessive envers une coterie d’intrigants, les uns plus influents que les autres, et sa concubine, Madame Joute Lachenais, dont les infidélités étaient connues de tous. C’est peut-être cette indulgence qui le poussa à faire du général Jean-Pierre Boyer un protégé. Celui-ci devint son successeur.

À sa mort, le 29 mars 1818, il fut pleuré par une foule immense.

Album des chefs d’États Haitiens
Alexandre Pétion et le couronnement d’Henri Christophe
Bibliographie sur Alexandre Pétion
Réponse du général Alexandre Pétion à de Fontanges et Esmangart

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Date de création: 17 avril 2007
Date de révision : 2 avril 2023