6410.030.- Profil d’Henri Christophe

Classification Histoire et Société

 

Henri ChristopheHenri Christophe (1767-1820) un patriote et roi d’Haiti, est surtout connu pour avoir érigé la Citadelle, cette impressionnante forteresse perchée sur les cimes du Bonnet à l’Évêque. Mais les historiens objectifs, tout en reconnaissant la nature autocrate du son administration, sont tout aussi bien impressionnés par son génie, son sens de l’organisation qui résulta dans la création d’un royaume prospère avec des sujets disciplinés.

De parents esclaves venus d’Afrique, Henri Christophe naquit le 6 octobre 1767, dans l’île britannique de Saint-Christophe, aujourd’hui St. Kitts(1). Son nom viendrait d’ailleurs de ce lieu de naissance. Se retrouvant à Saint Domingue après avoir été au service d’un capitaine d’un bateau marchand battant pavillon anglais, il réussit à acheter sa liberté bien avant la révolution, et décida d’ajouter à son nom le prénom Henry en signe d’admiration pour l’Angleterre.

Après avoir participé à la guerre de l’indépendance des États-Unis en tant que membre du Corps de Chasseurs-Volontaires de Saint-Domingue, un contingent de mulâtres et de noirs libres(2) supportant les patriotes américains sous les ordres du Comte Charles-Henri Théodate d’Estaing, il exerça plusieurs métiers dont celui de maître d’hôtel avant de s’enrôler dans l’armée de Toussaint Louverture. Très tôt, il se signala par sa bravoure et les promotions se multiplièrent. Membre de facto de l’État major du précurseur de l’indépendance, il est consulté lors de la prise de grandes décisions. Il fut, par exemple, l’un des signataires de la lettre que Toussaint adressa au commissaire Léger-Félicité Sonthonax le 20 août 1797 lui demandant de laisser la colonie(3).

À l’arrivée de l’expédition armée de Bonaparte sous la conduite de son beau-frère, Leclerc, Henri Christophe était commandant de la ville du Cap-Français. Il n’hésita pas alors à suivre les ordre de son chef hiérarchique en réduisant la ville en cendres et prenant, dans un premier temps, le maquis.

Peu de mois après, il se laissa prendre par l’opération de charme de Leclerc et se rallia aux Français qui lui permirent de conserver pendant un temps son grade. Il ne tarda pas à se rendre compte de la stratégie du chefs de l’expéditions qui voulaient simplement amadouer les chefs noirs, pour ensuite les neutraliser, les déporter et, une fois accomplie cette première phase de leur mission, rétablir l’esclavage dans la colonie.

Il rejoignit alors les indigènes (ancien et nouveaux libres) sous les ordres de Jean-Jacques Dessalines. Ces indigènes décidèrent de défendre leur liberté au prix de leur vie et qui finirent par sortir victorieux de ce qui restait de l’armée expéditionnaire après près de deux années de résistance subtile sous forme d’abord de duplicité et guerilla, et ensuited’affrontements ouverts ensuite. Partis les Français, Haiti proclama son Indépendance et au bas de l’Acte de l’indépendance figurent la signature d’Henri Christophe au grade de Général de division. Il est alors nommé commandant du Cap, devenu Cap-Haitien, avec un regard de supervision sur tous les départements septentrionaux.

Après l’assassinat de Jean-Jacques Dessalines le 17 octobre 1806, Christophe est nommé président d’Haiti, une nomination qu’il assimila à un piège puisque la Constitution Républicaine du 27 décembre 1806 sous l’égide de laquelle il est nommé, élaborée par les leaders de l’Ouest, fit du président un simple figurant, le Sénat, alors dominé par des hommes à la solde d’Alexandre Pétion, gardant tous les pouvoirs.

Il refusa les termes de sa nomination et marcha vers l’Ouest. Il dut cependant s’arrêter aux portes de Port-au-Prince et, après un siège qui dura près d’une semaine, rebroussa chemin. S’emparant des départements du Nord et de l’Artibonite, il créa l’État d’Haiti et publia le 7 février 1807 sa Constitution. Quatre ans plus tard, suite à la réélection de son adversaire de l’Ouest, Alexandre Pétion, il changea son mode de gouvernement en transformant l’État d’Haiti en un royaume, le Royaume d’Haiti. Couronné sous le nom d’Henri 1er, il créa une noblesse et distribua les titres à ses proches collaborateurs.

Citadelle La FerrièreS’attelant, il essaya de créer un royaume très prospère malgré les disparités sociales. Il accorda une attention privilégiée à l’agriculture et potentialisa le commerce en ouvrant les ports aux autres pays étrangers surtout l’Angleterre et les États-Unis, sans négliger la sécurité et l’éducation. Des forts dont la citadelle et de magnifiques palais dont Sans Souci, son palais résidentiel, furent construits et des écoles s’ouvrirent un peu partout, quoique son système scolaire fut principalement au service des enfants de sa noblesse. Il fit appel à des étrangers capables à qui il confia surtout la tache d’éduquer les jeunes du royaume. Il promulgua également un ensemble de lois connues sous l’appellation de Code Henri. Bien que sans instruction formelle, Christophe fit, dans son royaume, la promotion des arts.

Cette prospérité avait pourtant un prix: une discipline répressive, le travail acharné et le manque de mobilité surtout pour l’agriculteur obligé de se rattacher à une plantation qu’il ne pouvait quitter sans une autorisation dûment signée d’un officier militaire. Il était toutefois autorisé à conserver un quart de sa culture et à faire grandir des denrées de base pour sa consommation personnelle sur des parcelles privées. En règle générale, les masses acceptèrent ces dispositions féodales héritées de ses prédécesseurs, Toussaint Louverture et Jean-Jacques Dessalines. Responsables de l’application des dispositions du Roi furent les Dahomets, un corps d’élite également formés à l’administration.

Au fil des années son côté égocentrique devint insupportable et créa bien des mécontents surtout parmi les sujets qui rêvaient de la vie facile dans l’Ouest et dans le Sud du pays. Les complots se multiplièrent après qu’il eût tombé victime d’une crise d’apoplexie alors qu’il assistait à une messe solennelle le 15 aout 1820 en l’église de Limonade. En effet, le 2 Octobre 1820, dans la garnison militaire de Saint-Marc débuta une mutinerie qui se transforma en révolte à laquelle participa des généraux considérés jusque-là loyaux. Alors que les insurgés s’approchèrent de son palais et se sentant abandonné, il ordonna à ses serviteurs de le vêtir de ses uniformes militaires et de le laisser seul en ce 8 octobre 1820. Il se suicida en se tirant une balle dans la tête.

Jean-Pierre Boyer, le successeur de Pétion, qui guettait alors une opportunité pour détruire le royaume de son rival, se rendit immédiatement dans le Nord à la tête d’une forte armée et se livra à une vraie chasse. massacrant presque tous les nobles et les enfants du Roi et scella avec leur sang l’histoire de ce royaume qui avait atteint un niveau de prospérité qui faisait l’envie des compatriotes de l’Ouest. Les premiers historiens Haïtiens, pour la plupart des mulâtres issus de l’Ouest, achevèrent l’oeuvre de destruction et de dénigrement.

  1. Henry Christophe et Thomas Clarkson; a correspondence, edited by Earl Leslie Griggs and Clifford H. Prator. New York, Greenwood Press, 1968 [c1952].
  2. Césaire, Aimé. La tragédie du roi Christophe; théâtre. Paris : Présence africaine; 1963.
  3. Cole, Hubert. Christophe, King of Haiti. New York : Viking Press, [1967].
  4. Easton, William Edgar. Christophe; a tragedy in prose of imperial Haiti / Illustrated by John McCullough. Los Angeles, Calif., Press Grafton Publishing Company, 1911.
  5. Eydoux, H.P. « Les constructions du roi Christophe » Bulletin monumental v. 138; no 1 1980.
  6. Harrison, Michael. They would be king. London : Somers, 1947.
  7. Harley, W.W. Sketches of Haiti from the expulsion of the French to the death of Christophe. London: L. B. Seeley and son, 1827, pp. 118-119).
  8. Jacobsen, Josephine. « Homage to Henri Christophe » Poetry, Vol. 103, No. 6 (Mar., 1964), pp. 376-380.
  9. Leconte, Vergniaud. Henri Christophe dans l’histoire d’Haiti.Paris : Berger-Levrault, 1931.
  10. Limonade, Julien Prévost, comte de. Relation des glorieux événemens (sic) qui ont porté Leurs Majestés Royales sur le trône d’Hayti; suivi de l’histoire du couronnement et du sacre du roi Henry 1er, et de la reine Marie-Louise. Cap-Henry : P. Roux, imprimeur du roi, 1811.
  11. Loskoutoff, Yvan. « L’héraldique sous les tropiques : l’armorial du roi Henry-Christophe 1er d’Haiti » Revue française d’héraldique et de sigillographie, vol. 65, 1995, pp.5-20.
  12. Mangonès, Albert. La Citadelle, le Palais de Sans Souci, le Site des Ramiers monuments à l’indépendance d’une nation et à la liberté de son peuple = The Citadelle, the Palace of Sans Asuci, the Site of Ramiers : monuments to a nation’s independence and to it’s people’s freedom. Port-au-Prince : Institut de sauvegarde du patrimoine, 1980.
  13. Moran, Charles. Black triumvirate; a study of Louverture, Dessalines, Christophe–the men who made Haiti. 1st ed. New York : Exposition Press, [1957].
  14. Newcomb, Covelle. Black majesty : a history of Henri Christophe. New York : Longmans, Green and Co, 1940.
  15. Pichette Robert. « L’Héraldique haitienne sous le règne du Roi Henry 1er. » Genealogica and heraldica : proceedings of the 22nd International Congress of Genealogical and Heraldic Sciences in Ottawa, August 18-23, 1996. Ottawa : Presses de l’Université d’Ottawa, 1998.
  16. Smith McCrea, Rosalie. « Portrait mythology? Representing the ‘Black Jacobin’: Henri Christophe in the British Grand Manner. »The British Art Journal. Vol. 6, No. 2 (Autumn 2005); pp. 66-70.
  17. Trouillot, Hénock. Le gouvernement du roi Henri Christophe. Port-au-Prince : Imprimerie centrale, 1972.
  18. Vandercook, John W. Black majesty, the life of Christophe, king of Haiti. New York : Harper & brothers, [1928].
  1. Saint Christophe, comme lieu de naissance de Henri Christophe, ne fait l’unanimité parmi les historiens. Grenade a été retenu par certains d’entre eux.
  2. Son nom figurait parmi les blessés du corps: « Henry Christophe, de la Grenade, domicilié au Cap, âgé de 22 ans ».
  3. Stein, Robert Louis. Léger Félicité Sonthonax : the lost sentinel of the republic. Rutherford : Fairleigh Dickinson University Press; 1985, pp. 153-155.

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Date de création: 15 août 2015
Date de révision : 6 octobre 2023 à 19:53