De quelle couleur est Dieu?

Texte reçu le 29 mars 2011

Par Jean L Théagène
essai_htCe n’est pas un point de religion que nous voulons soulever à travers ces lignes encore moins une thèse biblique ou philosophique que nous voulons soutenir. Mais à voir le spectacle d’un monde en déshérence et qui, même ainsi, parvient à établir des étapes dans cette espèce de déliquescence soutenue au bénéfice de certains et au détriment des autres, on se surprend à se poser des questions qui souvent restent sans réponse.

D’un côté, les pays hautement industrialisés, vautrant dans l’abondance issue du pillage du Tiers-Monde. De l’autre, les populations des P.M.A. quémandant au terme des évènements un droit fondamental de survie que la plupart du temps on leur refuse pour n’avoir pas su se munir au fil de leur histoire d’une monnaie d’échange susceptible de leur garantir un droit de parole dans les négociations interétatiques. L’indépendance et la souveraineté sont devenues des leurres, des illusions qui se profilent à l’horizon de certaines nations. Mais ce qu’il convient de retenir de ce spectacle hallucinatoire, c’est que rien n’a véritablement changé dans la rigidité de la hiérarchisation. Le tableau d’honneur participe d’une véritable complaisance providentielle quand il n’affiche pas carrément l’évidence des préférences divines en matière de concessions hégémoniques ou de primauté dans l’organisation du monde.

Nouvel Ordre Mondial!

Cela revient à dire simplement affirmation ou reconnaissance définitive de la supériorité incontestable des pays du G7, G8, G20, sur le reste du monde. Aucune nouveauté n’intervient dans le choix de ce thème. Ce n’est qu’une confirmation de puissance, une légitimation de pouvoir en faveur d’États qui occupaient une place prépondérante depuis le début des temps. Si quelques auteurs témoignent à travers leurs écrits d’une certaine condescendance à l’égard de populations peu ou prou intéressés à la promotion de la culture et de la civilisation mondiales, ils n’ont pas suffisamment poussé l’analyse jusqu’à induire de nouvelles attitudes d’ouverture en faveur des dites populations. Il va sans dire que les effets bénéfiques de la mondialisation pencheront toujours du même côté, c’est-à-dire aux sources mêmes qui approvisionnent ce concept, « la mondialisation » en termes de drainage, de pompage et de non-partage avec les autres.

Qu’on regarde à gauche ou à droite, la fixité organisationnelle est cadavérique. Toujours les mêmes au sommet. Encore les mêmes qui trainent de la savate et qui semblent avoir acheté argent comptant ou à crédit, la dernière position sur l’échelle. Au pinacle : les U.S.A., le Japon, l’Allemagne, l’Angleterre, La France, le Canada, la Russie, toutes d’anciennes puissances coloniales ou puissances néocolonialistes exprimant leurs désirs, leurs besoins d’hégémonie dans un expansionnisme déréglé dont les petits états du Tiers-Monde font les frais. Et c’est précisément là qu’il faut placer l’occupation injustifiée d’Haïti après toutes ces années d’indépendance. C’est ainsi qu’il faut comprendre l’agression culturelle dont est victime cette nation aux élites répugnantes mais au potentiel si évident.

De quelle couleur est donc Dieu pour permettre de telles aberrations ? Pour permettre que des hommes asservissent d’autres hommes dans le confort fumeux de sophismes indécents. Pour accorder rien que des avantages aux uns et rien que des déboires aux autres. Quelle injustice que les plus grandes richesses se retrouvent dans les sols de pays dits développés et que seuls les caprices de l’agriculture concèdent quelques produits rabougris à ces républiques de banane ! Quelle fatalité qu’après ou en même temps que l’Afrique, les seuls foyers de tension qu’on enregistre actuellement se situent au Moyen-Orient, en Asie entre Corée du Nord et Corée du Sud, entre Chinois continentaux et Chinois insulaires! La Bosnie en Europe fait figure d’accident : Hitler renait à soixante-six ans d’intervalle, dans tout l’éclat de ses fameuses théories sur l’épuration raciale.

De quelle couleur est donc Dieu pour ne pas prendre pitié de ces pauvres diables d’Haïtiens souffrant sous d’autres noms depuis la nuit des temps de toutes les plaies d’Égypte sans espoir de s’en sortir? Pour ne pas opérer le Miracle de l’Union, de la Concorde, de la Solidarité à l’endroit de ce peuple pourri par ses élites dirigeantes, catapultées de l’extérieur. Cela fait trop longtemps que l’Esprit Saint, fluide et léger prend ses aises quelque part sur un palmiste altier ou un mapou géant sans un souffle de commisération pour ceux qui pourtant ne cessent de le supplier d’intervenir dans leur destin. N’y aurait-il pas d’autre lecture de la réalité haïtienne que celle de la dégradation accélérée, d’autre vision que celle de la destruction?

Si l’homme est le même sous tous les cieux, si la différence entre les humains n’est qu’une affaire de circonstance, alors que Dieu se dépêche de dire à la Communauté Internationale qu’Haïti est un pays fondé sur l’union de ses fils, sur la solidarité et la concorde entre ses membres et ce dont elle a besoin c’est moins de l’application d’une quelconque idéologie salvatrice que de la satisfaction immédiate des besoins légitimes. Le seul espoir qu’il reste à ce pays détruit et défait moralement c’est que Dieu soit positivement daltonien et que désormais il prenne soin de tous ses fils avec une passion égale à celle qu’il connait depuis plus de vingt siècles.

Jean L. Théagène
Président de L’Union Nationale des Démocrates Haïtiens