Investiture de Jovenel Moise: Homélie du Cardinal Chibly LANGLOIS

Armorial du cardinal Langlois1. Nous sommes rassemblés ici, au Palais national, pour confier à Dieu, dans le rite solennel du Te Deum, notre cher pays et son nouveau président. Nous sommes conscients qu’en dehors de Dieu, nous ne pouvons rien faire, car : « Si le Seigneur ne bâtit la maison, les bâtisseurs travaillent en vain; si le Seigneur ne garde la ville, c’est en vain que veillent les gardes… » (Psaume 126 : 1-2)…

2. Dans cette circonstance qui nous réunit comme peuple, la Parole de Dieu vient nous rappeler le sens profond, la raison d’être de toute autorité, de tout pouvoir et de tout gouvernant, et surtout s’il est un chef d’État : il s’agit de servir en vue du bien commun…

• Servir la nation dans son autonomie et dans sa souveraineté à sauvegarder et raffermir;
• servir le peuple dans sa lutte pour de meilleures conditions de vie;
• servir la famille, cellule fondamentale, structure de référence et élément précieux de toute société;
• servir la personne humaine dans sa dignité inviolable;
• servir la vie dans sa sacralité inaliénable;
• servir le droit et la justice, conditions et fondements de la paix véritable.

« La justice élève une nation » (Proverbes 14 : 34). Une parole qui trouve écho dans cette affirmation de saint Augustin d’Hyppone : « Enlève le droit – et alors qu’est-ce qui distingue l’État d’une grosse bande de brigands ?» (De civitate Dei IV, 4, 1.)

Excellence, Monsieur Jovenel Moïse, Président de la République!

3. À vous, aujourd’hui, revient l’insigne honneur et incombe l’impérieux devoir moral de servir inconditionnellement les Haïtiennes et Haïtiens. C’est une lourde responsabilité politique. Aussi êtes-vous le président de toutes et tous indistinctement, surtout les plus pauvres et les plus vulnérables. La charge dont vous êtes investi exige que vous travailliez inlassablement à la construction d’une Haïti que nous appelons de tous nos vœux, celle que nous voulons léguer aux futures générations :

  • une Haïti axée sur les valeurs inaliénables de la personne humaine;
  • une Haïti qui regarde avec confiance son avenir et se bat pour un lendemain meilleur;
  • une Haïti qui offre à toutes ses filles et à tous ses fils l’opportunité d’être de dignes actrices/acteurs de leur propre destin, en leur facilitant un accès réel aux biens matériels et spirituels indispensables : travail digne, logement décent, nourriture, justice réelle, sécurité effective, environnement sain;
  • une Haïti, terre d’espérance, qui se forge dans la vie présente d’hommes et de femmes justes, honnêtes, consciencieux, responsables, capables de s’engager, à travers des institutions stables et solides, pour le bien de tous;
  • une Haïti verte, aux montagnes, mornes et vallées couverts d’arbres, qui prend soin de son environnement, « notre maison commune » …

4. Nous vous assurons, Excellence, Monsieur le Président de la République, que dans vos efforts pour servir loyalement notre cher pays, vous pouvez compter sur l »apport de l’Église, qui a accompagné dès le début la vie de cette Nation et qui, aujourd’hui, renouvelle son engagement ainsi que sa volonté de servir la grande cause de l’Haïtien: l’édification d’une Haïti souveraine, prospère et démocratique…

Bien-Aimés compatriotes d’ici et d’ailleurs !

5. L’heure est au dépassement de soi, au consensus, au dialogue, à l’entente, à l’unité, à la concorde, à la solidarité, à «l’union qui fait la force» d’une nation, d’un peuple. Nous devons devenir des agents de changement et de transformation, des actrices/acteurs de la construction d’une société haïtienne guérie de ses nombreuses blessures, régénérée, réconciliée et pacifiée…

6. Nous avons un pays à reconstruire. Nous pensons particulièrement aux départements du pays frappés par le séisme du 12 janvier 2010 et ceux récemment dévastés par l’ouragan Matthew. Plus que jamais, l’heure est au travail, l’heure est à l’action. La tâche que nous avons à accomplir ensemble est immense. Nous adressons un vibrant appel à la responsabilité personnelle et sociale, à la solidarité nationale et internationale, et surtout à l’engagement de l’État haïtien pour qu’il s’investisse et investisse dans la reconstruction de notre pays…

7. En terminant, laissons-nous encore interpeller par la Parole de Dieu en cette circonstance solennelle. Au moment de son intronisation, le jeune roi Salomon est invité par Dieu à Lui demander ce qu’il désire. Il fit cette demande : «Donne à ton serviteur un cœur docile pour gouverner ton peuple, pour discerner entre le bien et le mal» (1 Rois 3 : 9). Aujourd’hui également, à l’occasion de l’investiture du 58ème Président de la République d’Haïti, nous demandons à Dieu, pour lui :

  1. un cœur docile et intelligent pour gouverner le peuple haïtien avec sagesse et sollicitude, « non par une misérable cupidité mais par dévouement » comme dit l’apôtre Pierre (1 Pierre 5 : 2), pour le conduire, le mener « par le juste chemin, vers les eaux tranquilles » dont parle le Psaume 22 : 2-3;
  2. la capacité de discerner entre le bien et le mal, de choisir les citoyens sûrs, honnêtes et bien préparés, quelle que soit leur appartenance politique, pour les faire siéger à ses côtés (Cf. Psaume 100 : 6);
  3. et enfin le courage de travailler sans relâche à l’établissement d’un État de droit, au renforcement des institutions du pays et veiller à la bonne gouvernance, conditions indispensables au développement intégral et durable de notre Haïti chérie…

8. Daigne le Seigneur, par l’intercession de la Bienheureuse Vierge Marie, Notre-Dame du Perpétuel Secours, Notre Patronne, continuer à veiller sur nous, sur Haïti, assister le nouveau Président et son gouvernement, et qu’ainsi Il prenne en grâce notre pays et le bénisse (Cf. Psaume 66 : 2) !

Amen !

Cardinal Chibly LANGLOIS
Évêques des Cayes
Président de la Conférence Épiscopale d’Haiti
Port-au-Prince le 7 février 2017